Communiqué de presse- 16 juin 2022  

 

8 civils tués chaque jour dans des violences au Sahel central 

Un nouveau rapport de la société civile sahélienne révèle l’ampleur de la crise sécuritaire dans la région et appelle à une approche radicalement différente basée sur les besoins des populations 

« Sahel : Ce qui a changé » - Rapport de suivi de la Coalition citoyenne pour le Sahel 

Dakar, le 16 juin 2022 – 8 civils sont tués chaque jour en moyenne dans des attaques au Burkina Faso, au Mali et au Niger, selon un nouveau rapport « Sahel : Ce qui a changé », publié aujourd’hui à Dakar par la Coalition citoyenne pour le Sahel. Cette étude, fruit d’un travail collectif inédit de 49 organisations de la société sahélienne et ouest-africaine, soutenues par des ONG internationales, apporte un éclairage nouveau sur l’ampleur de la crise sécuritaire au Sahel central et l’échec à enrayer la spirale de la violence des stratégies de lutte contre le terrorisme menées depuis dix ans. 

Face à cette situation, la Coalition citoyenne pour le Sahel appelle les gouvernements sahéliens et leurs partenaires internationaux à changer radicalement d’approche et formule une série de recommandations pour placer effectivement la protection des populations au cœur de leurs stratégies. Si ce constat établi de longue date par la société civile est aujourd’hui de plus en plus largement partagé par les décideurs, il ne s’est pas encore traduit par l’adoption de nouvelles pratiques. 

Les groupes armés extrémistes ont tué deux fois plus de civils entre avril 2021 et mars 2022 que pendant l’année 2020, révèle également le rapport, malgré l’intensification des opérations militaires, notamment au Mali ces derniers mois. En revanche, légèrement moins de civils ont été tués par des membres des forces de défense de sécurité (-11% sur la même période), qui restent cependant soupçonnés d’être responsables de 27% des morts de civils, selon les données de l’ONG ACLED (Armed Conflict Location and Event Data Project) analysées par la Coalition citoyenne.  

« Ces 18 derniers mois, le Sahel central a connu de nombreux bouleversements, constate Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center. Un gouvernement de transition en a remplacé un autre au Mali. Un président élu a été renversé au Burkina Faso. La région est devenue un terrain d’affrontement géopolitique avec le redéploiement en cours des forces française Barkhane et européenne Takuba du Mali vers le Niger notamment, et l’arrivée des Russes au Mali. Mais qu’est-ce qui a changé pour les populations de la région ? »  

Le rapport « Sahel : Ce qui a changé » révèle aussi le contraste entre des besoins humanitaires toujours croissants (près de 4 millions de déplacés, une crise alimentaire qui se profile avec la période de la soudure entre deux récoltes) et la baisse drastique des financements : les besoins n’ont été financés qu’à 46% en 2021 (contre 60% en 2020). 

« Je lance un appel urgent aux bailleurs, a déclaré Clémentine Tarnagda directrice de l’Organisation pour de nouvelles initiatives en développement et santé (ONIDS), basée au Burkina Faso. Vous avez la possibilité de sauver des vies. Ne vous détournez pas de notre région, malgré les nombreuses autres crises, comme en Ukraine. » 

La Coalition citoyenne pointe également des avancées dans la bonne direction. De premiers procès d’auteurs d’exactions contre des civils ont eu lieu au Mali et au Burkina Faso. Mais l’impunité reste la règle dans la région, notamment en ce qui concerne les forces de défense et de sécurité. Des signes encourageants ont également été constatés sur la question d'une solution négociée à la crise. 

« La négociation et le dialogue comme solution politique à la crise sont de plus en en plus sérieusement envisagés comme une option complémentaire, voire indissociable de l’intervention armée au Burkina Faso avec la création de « comités locaux de dialogue », mais aussi au Niger. Au Mali, c’est également l’orientation qui avait été définie lors du Dialogue national inclusif en 2019 et de la Conférence nationale d’entente en 2017, a déclaré Niagalé Bagayoko présidente de l’African Security Secteur Network. Il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de ces annonces sur les niveaux d’insécurité – mais cela va dans le sens des préconisations de la Coalition citoyenne. Nous appelons l’Union africaine et la CEDEAO, ainsi que l’ensemble des partenaires internationaux, à encourager et à soutenir ces efforts en faveur de solutions négociées. » 

Le rapport de suivi « Sahel : Ce qui a changé » s’inscrit dans la continuité du premier rapport de la Coalition citoyenne « Sahel : Ce qui doit changer - vers une nouvelle approche centrée sur les populations », publié en avril 2021. Comme elle s’y était donc engagée, la Coalition citoyenne fait un travail de suivi en : 

  • Analysant ce qui a changé pour les civils depuis 2020.

  • Mesurant les progrès réalisés sur chacun des 8 indicateurs de référence identifiés comme critiques pour mettre en œuvre une nouvelle réponse à la crise qui permette de protéger plus efficacement les populations. 

  • Formulant des recommandations mises à jour à l’attention des décideurs sahéliens et de leurs partenaires internationaux.